La Chronique du Patrimoine

La Chronique du Patrimoine

Saint-Pierre-Le-Vieux, un village sans une histoire très ancienne. Vraiment ?

En voiture, arrivant de Matour, intrigué par le rétrécissement en gorge de la vallée de la Grosne, dont vous ne saviez pas encore le nom, le village niché à la sortie de cette combe avait commencé à vous intéresser. Vous ne saviez pas encore que ce n’était pas le village mais son bourg. Vous avez garé votre voiture sous les platanes de la grande place, l’ancienne place du champ de foire bâtie en remblai en 1906 avec la terre de l’ancien cimetière sanglant l’église mais fermé en 1896 du fait des lois hygiénistes et de son manque de capacité. Vous vouliez comprendre ce bourg et vous avez déjà cheminé à partir du carrefour en direction du hameau d’Ecussols sur la route des Fontaines avec son pont construit en 1877 dominant le lavoir datant de 1893.

Revenu en direction de Matour vous êtes sur la D45, et vous venez de passer sur deux ponts, l’un sur le Pelot, l’autre sur la Grosne, deux ruisseau-rivière dont la confluence se situe à l’aplomb de la poste derrière la bibliothèque municipale à un niveau bien inférieur à la route. Vous l’aurez compris, ces deux ponts ont été construits en même temps que cette route en surélévation sur les deux cours d’eau. Le décret d’utilité public signé en 1850 donne lieu à expropriation en 1857, les travaux d’ouvrages, de remblaiement, compactage et nivellement s’étalant dans le bourg entre 1860 et 1865. A propos d’expropriation, remarquez cette maison enjambant la Grosne. Son propriétaire l’a fait construire aux frais de l’administration. Un dédommagement compensant la perte de son ancienne habitation qui, à quelque trois mètres de celle que vous voyez, devait être détruite pour que passe la D45.      

Revenant et ayant obliqué à droite, vous passez devant la bascule réceptionnée en 1891, longtemps utile aux agriculteurs et éleveurs, notamment les jours de foire. Derrière elle, un bâtiment-tour. Il avait été le moulin du bourg avant qu’il ne soit racheté dans les années 1840 par le meunier du moulin neuf, le condamnant, par donation à sa fille, à ne plus jamais être utilisé comme tel ni par elle, ni par ses descendants ni par un quelconque acquéreur. Comme quoi, l’étouffement de la concurrence ne date pas d’aujourd’hui. En face de l’actuelle boulangerie au fameux pain « Le Saint-Pierre », autrefois à la fois épicerie, coiffeur, pompe à essence, vous vous attarderez sur le « nouveau pont » construit en 1893 à la place de l’ancien, usé qu’il était alors que la D45 n’existait pas. Y passait le grand chemin qui, tirant de Mâcon à St Bonnet des Bruyères puis La Clayette et Charlieu, reliait à pied, à cheval et par  diligences, Saint-Pierre-le-Vieux au monde. Saint-Pierre aurait même eu son relais avec chevaux. Vous êtes encore sur ce pont et le grand potager à vos pieds ne cesse de vous épater. Positionné sur les rives droites du Pelot et de la Grosne, fertile de leurs limons, il pourrait vous instruire : prolongez ce jardin au-delà des maisons et de la D45 qui n’existaient pas, faites-le descendre au-delà du champ de foire et vous est donné à imaginer une immense zone d’étalement des eaux, infranchissable la plupart du temps sauf sur des planches, et à gué dans les périodes d’étiage. Dès lors, bien que le bourg de Saint-Pierre soit relié au monde par le grand chemin, comment l’était-il avec son gros hameau d’Ecussols ? Pour l’expliquer, vous allez prendre la route de Saint-Léger. Et, regagnant la D45, remarquez que de part et d’autre, certaines façades de maisons sont encore parées de leurs boiseries et volets de devantures d’anciens commerces tous fondés après la construction de la route. Ce qui était disséminé ailleurs s’était concentré où il y avait du passage et où pouvait arriver facilement les marchandises. La seule mairie qu’ait jamais eue le village s’est d’ailleurs construite là en deux ans pour être inaugurée en 1866 avec au rez-de-chaussée deux pièces, celle de la mairie et la salle unique des classes de l’école de garçons, de 71.25 m². A l’étage logeait l’instituteur.

Sur la route de Saint-Léger, vous passez devant l’école de filles ayant eu sa première rentrée scolaire en 1882, désormais école maternelle, avec son mur peint en l’honneur du moulin Mathy. Poursuivez, allez jusqu’à la croix sur la droite. Pivotez à gauche, et se découvre à vous une passerelle sympathique surplombant d’une belle hauteur la Grosne. Imaginez à sa place un pont plus large qui permettait aux piétons, chevaux, et charrettes de passer sur l’autre rive et de rejoindre Ecussols, la Bussière, voire Cluny. Pont qui n’avait plus lieu d’être avec le nouveau sur la route des Fontaines. Et de retour, vous avez murmuré Ce village est sans histoire. Elle n’est que récente ! Et vous alliez pour reprendre votre voiture quand levant les yeux au ciel, presque pour l’accuser, vous avez vu sur votre gauche le bourg du haut avec l’église. Vous l’aviez entraperçue en montant la rue de la bascule. Elle avait même été évoquée à propos du vieux cimetière. Mais distrait par tant de lieux et de dates que vous engrangiez, vous l’aviez oubliée. Mais vous alliez rater l’histoire plus ancienne de ce village. Dûment  renseignée, elle l’est depuis bien longtemps, deux fois en l’année 936 grâce aux chartes des moines de l’abbaye de Cluny.

Vous rejoigniez quand même votre voiture, vous aviez déjà pris du retard. Cependant, claquant la portière, vous aviez décidé de revenir visiter Saint-Pierre-le-Vieux.

BC et VD, le 30 septembre 2020 (à suivre)